Qu'est-ce que le brown out ?

Émergence

C’est l’anthropologue américain David Graeber qui a développé en premier le concept dans un article paru en 2013 dans la revue britannique Strike!. Selon lui, le progrès technologique, à défaut d’avoir réduit le temps de travail hebdomadaire, a fini par créer plus de tâches et plus de métiers inutiles. Les premiers touchés serait les cadres dans l’industrie, les PDG ou encore les avocats d’affaires, sur qui il a basé son étude.

Contrairement au bore-out, qui exprime l’ennui par sous-charge de travail, le brown-out est la perception d’un travail dénué de sens amenant à une certaine lassitude ou un cynisme de celui ou celle qui en est victime. À l’inverse du burn-out, il n’est pas un état de crise et ne se manifeste pas de façon violente sur le plan psychique ou physique. En revanche il toucherait bien plus de personnes.

Une étude publiée par Corporate Balance Concepts, menée auprès de 1 000 dirigeants américains a conclu en 2013 que 40 % d’entre eux souffraient de brown-out.

Copie de actu brown out

Quand le travail ne fait plus sens.

Les êtres humains et les appareils électriques ont une chose en commun. Ils sont parfois victimes de brown-out. Empruntée au domaine de l’électricité, cette expression anglaise désigne pour les appareils électriques, une baisse volontaire ou involontaire de l’intensité pour éviter la surchauffe. Pour les êtres humains, elle exprime une baisse de la motivation, de l’engagement, résultat d’une perte de sens au travail.

Ceux qui en sont victimes travaillent sans se préoccuper de la qualité de ce qu’ils fournissent et démissionnent mentalement de leur poste en se désengageant pour se protéger et éviter d’atteindre le stade du burn-out.

Comment se manifeste-t-il ?

Le quotidien britannique The Telegraph listé dix comportements et sentiments qui vivent et ressentent les personnes en brown-out :

  • Vous travaillez sans pour autant éprouver d’intérêt pour ce que vous faites. Le travail en lui-même est une corvée et ne vous stimule pas intellectuellement,
  • Vous avez l’impression que votre to-do-list ne réduit jamais et qu’il y a toujours plus à faire,
  • Vous ne prenez plus en main votre carrière ni ne faites de décisions importantes pour vous-même,
    En réunion, vous contribuez au minimum et voyez d’abord les risques plutôt que les opportunités,
  • Vous avancez toutes les excuses possibles pour les éviter,
  • Vous vérifiez vos mails dès le réveil et avant de dormir, vous êtes collé à votre smartphone le week-end et même en vacances ou entre amis,
  • Vous souffrez physiquement, vous n’êtes plus en forme, vous mangez gras, ne dormez pas assez et avez abandonné le sport,
  • Vous avez perdu votre sens de l’humour et tendez vers un comportement passif agressif, et si quelqu’un (au travail ou ailleurs) vous demande comment vous allez vous avez tendance à répondre de manière monosyllabique,
  • Votre vie de famille n’est plus ce qu’elle était, vous rentrez le soir pour regarder la télévision et montrez peu d’intérêt pour votre époux ou votre épouse et vos enfants ; vos relations amicales s’étiolent et vous ne vous y intéressez plus,
  • Vous ne détestez pas vos boss, mais selon vous, ils sont colériques et imprévisibles et vous ne savez jamais s’ils vont apprécier ou non votre travail.

Quelles en sont les causes ?

Si vous en êtes arrivé là c’est que vous avez peut-être été victime d’une erreur de casting. En d’autres termes vous occupez un poste pour lequel vous n’êtes tout simplement pas fait. Dans ce cas, le recruteur et vous-même êtes fautifs. Le recruteur parce qu’il vous a mal jugé. Vous-même parce que vous avez mystifié le poste ou avez forcé votre enthousiasme pour être recruté à tout prix. Chez d’autres, la cause du brown-out relève plutôt d’une négligence du corps : « Le brown-out mais aussi le burn-out, sont causés principalement par une mauvaise hygiène de vie », avance Jean-Denis Budin. Selon lui, le sommeil, primordial pour la récupération du corps et de l’esprit, est négligé par les personnes en brown-out : « Avec l’arrivée des tablettes et autres smartphones, on assiste à une hyperactivité numérique chez certains. S’ils sont utilisés jusqu’au moment du coucher, ces outils peuvent court-circuiter les cycles du sommeil », analyse-t-il. Et mener in fine vers un manque de récupération pendant la nuit, qui peut jouer sur l’humeur du lendemain.

Dans d’autres cas, le brown-out et le burn-out résultent d’une apnée du sommeil, syndrome trop peu diagnostiqué, qui touche 5 à 7 % de la population française* : « Elle pollue la phase du sommeil qui traite la mémoire émotionnelle », résume le fondateur du Credir. Les émotions de la journée sont ainsi mal traitées, ce qui selon les travaux de Gary Fireman, médecin et chercheur à l’université de Suffolk à Boston, peut entamer notre créativité et jouer sur notre capacité à percevoir les choses sous un jour nouveau. De quoi rester coincé dans une frustration certaine. Il y a enfin des causes extérieures.

Le travail lui-même s’est transformé et a vu apparaître l’instauration d’une dimension commerciale et/ou managériale dans des professions techniques : « L’ingénieur qui travaillait autrefois dans un bureau d’études sans trop de relations interprofessionnelles n’existe plus. Aujourd’hui, il doit aussi gérer la gestion d’un budget ou la prospection client », illustre Philippe Zawieja, chercheur associé à Mines ParisTech et auteur d’un Que Sais-je sur le burn-out. Des personnes autrefois expertes sur leur domaine se retrouvent à gérer d’autres domaines plus éloignées de leur cœur de métier. Parallèlement, l’évolution professionnelle rime désormais avec responsabilités managériales. Plus on est haut dans la hiérarchie plus la gestion de l’humain prends le pas sur l’expertise métier. C’est pourquoi il faut être vigilant quand on propose ou que l’on accepte une promotion : « Le désavantage, c’est de devoir assumer les autres et d’être obligé de gérer des dossiers qui n’entrent pas dans la définition des fonctions », analyse Philippe Zawieja. Le risque ici, est d’être à la fois débordé par le travail et influencé par les plaintes des autres.

Des solutions sont elles possibles ?

Dans la plupart des cas, le brown-out est un mal relevant de la perception. Comme solution, Philippe Zawieja préconise un changement radical : « Une promotion, une démission ou un changement de poste dans l’entreprise », conseille-t-il. Autant de choix permettant d’intégrer un environnement nouveau et inconnu mais qui ne garantit pas une rechute quelques années plus tard. Des cadres, choisissent une alternative encore plus radicale en reconvertissant dans l’artisanat : « Les dimension de temps, d’engagement corporel dans le produit créé et l’exigence de qualité séduisent les cadres », explique le chercheur. Mais là aussi, être artisan, c’est s’assumer comme une petite entreprise et donc gérer des tâches complètement extérieures au métier au risque de retomber dans la spirale du manque de sens. Finalement, le remède parfait pour se soustraire du brown-out serait le même que celui qui soigne la lassitude : éviter la routine en préférant le changement.